Longtemps considéré comme un simple déchet métabolique responsable de la fatigue musculaire, le lactate est en réalité une molécule essentielle pour le métabolisme énergétique. Le concept de « lactate shuttling », ou « navette du lactate », illustre à quel point cette molécule joue un rôle central dans la performance physique. Mais comment fonctionne ce mécanisme, et comment peut-on l’exploiter pour optimiser son entraînement ?
Cet article explique les mécanismes physiologiques derrière le lactate shuttling et les bonnes pratiques pour l’intégrer efficacement dans un programme d’entraînement.
Comprendre le lactate shuttling
Shuttle signifie « navette » en anglais. Le lactate shuttling correspond donc au transport du lactate par des navettes, notamment des transporteurs protéiques appelés MCT (monocarboxylate transporters). Le lactate est le produit final de la glycolyse. Après sa production, il peut être utilisé de différentes manières :
- Il peut être redirigé vers le foie pour former du glycogène.
- Il peut être transféré entre différentes fibres musculaires d’un même muscle ou vers d’autres organes tels que le cœur, le cerveau ou des muscles non impliqués dans l’effort (Brooks, George A et al., 2021).
Le transport du lactate au sein d’un muscle ou entre différents organes est essentiel à la performance. En effet, l’oxydation du lactate permet de produire de l’ATP, évitant ainsi de puiser dans les réserves de glycogène.
Pourquoi et comment s’entraîner avec le lactate shuttling ?
L’entraînement basé sur le lactate shuttling consiste à alterner des efforts à intensité juste au-dessus du deuxième seuil(production de lactate > utilisation) et des efforts proches du premier seuil (utilisation maximale du lactate).
L’effort au-dessus du seuil 2
Cet effort doit être assez intense pour que la production de lactate dépasse son utilisation, tout en restant répétable. Il doit aussi être suffisamment court pour éviter une accumulation excessive de lactate. Le but est que votre corps utilise efficacement le lactate produit lors des intervalles au seuil 1.
- Durée : 2 à 4 minutes
- Intensité : 100 à 110 % du seuil 2
L’effort au seuil 1
Pour maximiser la clairance du lactate, l’intensité doit être suffisamment basse pour limiter la production de lactate, mais assez haute pour optimiser son utilisation. Le seuil 1 semble être l’intensité idéale Menzies, Paul et al., 2010).
- Durée : 30 secondes à 3 minutes
- Intensité : Proche du premier seuil
La durée totale des intervalles
- Volume total : 10 à 30 minutes d’effort par série
- Repos entre les séries : Minimum 5 minutes

Préparation : les bases avant de commencer
Avant de réaliser des séances de lactate shuttling, il est important de travailler vos seuils. Cela consiste à réaliser des séances à intensité constante au seuil 2 et d’autres au seuil 1.
Une fois ces bases acquises, vous pourrez progressivement intégrer des efforts plus intenses dans vos séances. Par exemple : 30 secondes en zone 5 suivies de 2 minutes au seuil 2 pendant 15 à 20min. Cet exercice vous préparera aux séances de lactate shuttling, plus dures que les séances en continu au seuil 2.

Les séances d’over/under
Les séances d’over/under sont une évolution naturelle aux séances lactate shuttling. Ici, l’intensité « sous le seuil 2 » est élevée (environ 95 % du seuil 2), ce qui rend ces séances plus exigeantes. L’objectif principal est d’améliorer la capacité à maintenir un effort proche du seuil 2.
Mécanismes physiologiques : la théorie derrière la pratique
Les navettes du lactate
Pour se déplacer, le lactate est pris en charge par des transporteurs protéiques spécifiques :
- MCT4 : Permet au lactate de sortir des fibres musculaires.
- MCT1 : Permet au lactate de franchir les membranes externes et internes des mitochondries.
Dans les mitochondries, le lactate est converti en pyruvate par l’enzyme LDH, avant d’être transformé en Acétyl-CoA pour intégrer le cycle de Krebs. Ce processus aboutit à la production d’ATP.
L’entraînement augmente l’efficacité de ces mécanismes en améliorant :
- L’activité enzymatique de la LDH
- L’efficacité des transporteurs MCT
Fait important : Le lactate peut être transféré directement entre les fibres musculaires sans passer par le sang (Brooks, George A et al., 2021).
Fibres musculaires et lactate
- Fibres “lentes” (type I) : Riches en MCT1, elles utilisent efficacement le lactate comme énergie.
- Fibres “rapides” (type II) : Productrices majeures de lactate, elles possèdent plus de MCT4.
Ainsi, plus on est entrainé en endurance, plus notre proportion de fibre de type I est élevée. Ce qui permet aux meilleurs cyclistes de beaucoup utiliser le lactate comme source énergétique (Pilegaard et al. 1994).
Le lactate : le lien entre les filières glycolytique et oxydative

Le lactate joue un rôle clé en tant que pont métabolique entre les filières glycolytique et oxydative. Il est produit lors de la glycolyse ou glycogénolyse, et devient un substrat essentiel pour la respiration mitochondriale. Ce processus, loin de n’être qu’une simple réaction métabolique, illustre la manière dont les filières énergétiques collaborent pour répondre aux besoins énergétiques de l’organisme, quelle que soit l’intensité de l’exercice (Brooks, George A., 2018).
Une collaboration continue
Ce lien entre les filières est actif en permanence. À tout moment, du lactate est produit et simultanément utilisé comme source d’énergie. Ce recyclage continu permet de fournir une énergie rapide et efficace, particulièrement en cas d’efforts intenses ou prolongés.
Fait intéressant, ce cycle métabolique ne se limite pas à la production locale : le lactate peut être transporté vers d’autres muscles ou organes pour y être oxydé, comme le cœur, le cerveau ou des fibres musculaires voisines. Cette souplesse métabolique est la clé des performances en endurance.
🔗 Lien entre pratique et théorie
L’entraînement spécifique au lactate shuttling repose sur ce rôle central du lactate. En augmentant la capacité des muscles à produire et consommer du lactate, on renforce non seulement leur efficacité énergétique, mais également leur endurance face aux efforts prolongés.
Les bénéfices de l’entraînement lactate shuttling
- Amélioration de l’efficacité métabolique : Une augmentation des transporteurs MCT (MCT1 pour l’oxydation et MCT4 pour l’exportation) optimise le recyclage du lactate.
- Puissance augmentée au seuil 2 : En habituant l’organisme à gérer efficacement les lactates, on augmente la puissance maximale soutenable au seuil 2.
- Économie énergétique : En utilisant le lactate comme substrat, les muscles préservent les réserves de glycogène pour les moments critiques, augmentant ainsi la durabilité des efforts.
Points clés à retenir
- Le lactate est un carburant essentiel, et non un déchet.
- L’entraînement lactate shuttling permet d’optimiser le transport et l’utilisation du lactate, améliorant à la fois la puissance et l’endurance.
- Cette méthode est un outil précieux pour tout athlète cherchant à maximiser ses performances en endurance.
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