Qui ne s’est jamais demandé s’il avait une jambe plus forte que l’autre ? On parle de jambe dominante. Celle-ci est très importante en athlétisme par exemple et nous allons voir que beaucoup ont déjà cherché à quantifier l’importance d’une jambe dominante en cyclisme et l’intérêt de réduire l’asymétrie entre la jambe droite et la jambe gauche.
Selon Carpes(1), il existe bien une asymétrie avec une prédominance de la jambe dominante chez les coureurs et les cyclistes et cette asymétrie peut aller de 5 à 20% de différence. Elle est alors plus importante sur les faibles puissances pour aller vers une répartition symétrique de la puissance délivrée droite/gauche vers les hautes puissances. Ces travaux sont confirmés par l’existence d’une jambe dominante avec de meilleures qualités athlétiques(2) avec, entre autres, une meilleure V02max et un meilleur deuxième seuil dans la jambe dominante, même après pondération de la masse musculaire. Ces constatations plaident donc pour une imprécision mathématique des capteurs unilatéraux bien que certains(3) retrouvent une bonne validité du capteur Stages unilatéral par rapport au SRM, Gold Standard, jusqu’à 400W et une imprécision de 3% entre 700 et 1200W.
On note déjà là une notion très importante : les capteurs ne sont pas tous faits pour rendre compte de la réelle asymétrie entre nos deux jambes.
Alors qu’il est évident qu’un capteur ne prenant la puissance que sur une seule jambe (type Stages unilatéral ou pédale unique) pour ensuite la multiplier par 2 ne pourra pas vous donner de balance gauche/droite autre que 50/50, les capteurs dans l’étoile du pédalier ne sont pas non plus construits pour rendre compte de la symétrie de pédalage.
Pour preuve mon précédent capteur de puissance, un Power2Max NGEco avec option balance gauche/droite avec lequel je me suis amusé à effectuer des exercices sur une jambe et mon compteur affichait tout de même une répartition autre que 100%/0% ou 0%/100% : de par sa construction, le capteur sur l’étoile attribue la puissance développée de 0 à 180° à la jambe droite et celle développée de 180 à 360° à la jambe gauche. C’est tout à fait imprécis encore une fois et décevant.
Il en avait déjà été fait le constat en 2014(4) en comparant le SRM avec des pédales à capteurs et concluant que les capteurs de type étoile de pédalier étaient non valables pour évaluer l’asymétrie.
D’autant plus qu’il n’est pas possible de savoir si le capteur donne une répartition en fonction du pic de force appliquée sur chaque « côté » ou en intégrant la puissance moyenne délivrée sur chaque demi-tour.
En effet, Soares(5) a décrit qu’en utilisant des pédales type Favero pour décrire l’asymétrie, on se rend compte qu’il y a un moindre degré d’asymétrie en prenant en compte le couple délivré sur 360° sur chaque côté que le pic de couple à chaque tour.
Il faut donc comprendre comment techniquement ce chiffre d’asymétrie est rendu par votre ensemble capteur/compteur : il faut un capteur individuel sur chaque jambe et prendre en compte le couple délivré sur toute la rotation de chaque jambe pour être précis.
Mais s’il existe une réelle asymétrie, est-ce définitif ?
Et bien non. Il existe des méthodes de rééducation permettant de corriger l’asymétrie. Ces méthodes sont basées sur le feedback, ou retour, qu’il soit visuel en consultation instantané sur le compteur comme dans ces études de Kell(6) et de Bini(7) ou via des méthodes de réalité virtuelle incitant à corriger l’asymétrie.
Attention, beaucoup d’études réalisées sur la correction de l’asymétrie au pédalage sont faites chez des patients en rééducation après un AVC ou une pathologie du membre inférieur avec donc un biais important quand on parle de cyclistes en bonne santé. On peut tout de même espérer diminuer une asymétrie plus ou moins durablement avec les bons capteurs et les bons protocoles.
Pourquoi vouloir symétriser mon pédalage si je n’ai pas de pathologie ?
A ce jour, il n’y a pas, chez le cycliste de bon niveau, d’intérêt à obtenir une répartition symétrique de l’effort gauche/droit.
Selon Kell et Bini(6,7), il n’est pas possible de conclure que la réduction de l’asymétrie augmente la performance ou diminue le risque de blessure bien que pour ce dernier point, il a été retrouvé dans une étude(8) chez des joueurs de netball qu’une asymétrie supérieure à 20% de différence était associée à un risque plus élevé de blessure mais, est-on, nous cyclistes, vraiment comparables à des joueurs de netball ?
Au final, si je devais conclure, en l’absence de pathologie impactant un des membres inférieurs et en dehors de recherche, vous pouvez ne pas vous soucier de la répartition de votre puissance droite/gauche.
Article invité écrit par Mathieu De La Losa
Bibliographie
- Carpes FP, Mota CB, Faria IE. Physical Therapy in Sport On the bilateral asymmetry during running and cycling e A review considering leg preference. Phys Ther Sport [Internet]. 2010;11(4):136–42. Available from: http://dx.doi.org/10.1016/j.ptsp.2010.06.005
- Ianetta D, Passfield L, Qahtani A, MacInnis MJ, Murias JM. Inter-limb differences in parameters of aerobic function and local profiles of deoxygenation during double-leg and counterweighted single-leg cycling. Physiology. 2019;1(403).
- Granier C, Hausswirth C, Dorel S, Le Meur Y. VALIDITY AND RELIABILITY OF THE STAGES CYCLING POWER METER. J Strength Cond Res Publ Ahead Print. 2017;(Ea 4334).
- Bini RR, Hume PA. Assessment of Bilateral Asymmetry in Cycling Using a Commercial Instrumented Crank System and Instrumented Pedals. 2014;876–81.
- Soares S, Carpes FP, Fátima G De, Bertú F, Roberto M, Sosa Á, et al. Functional data analysis reveals asymmetrical crank torque during cycling performed at different exercise intensities. 2021;122.
- Kell DT, Greer BK. USE OF THE WATTBIKE CYCLE ERGOMETER FOR ATTENUATION OF BILATERAL PEDALING ASYMMETRY IN TRAINED CYCLISTS. J Strength Cond Res. 2017;(5):468–73.
- Bini RR, Jacques TC, Carpes FP, Vaz MA, Bini RR, Jacques TC, et al. Effectiveness of pedalling retraining in reducing bilateral pedal force asymmetries. 2016;0414(August).
- Maulder PS. DOMINANT LIMB ASYMMETRY ASSOCIATED WITH PROSPECTIVE INJURY OCCURRENCE. 2013;35(1):9069.