Être performant en cyclisme ne se résume pas qu’à l’entraînement. Ça serait trop simple, quoique maîtriser tous les aspects de l’entraînement n’est pas une chose aisée…
De nombreux éléments peuvent influencer la performance. Certains éléments sont propres à chaque discipline : route, contre-la-montre, piste, VTT.
Nous allons essayer de traiter une liste non exhaustive de paramètres qui ont un lien direct avec la performance.
L’équipe INEOS s’étaient spécialisée dans les gains marginaux pour optimiser tout ce qui est possible : entraînement, nutrition, stage, roulements, positions, … Elle a depuis été rejointe par de nombreuses autres qui s’entourent de personnes compétentes : chercheurs, sport-scientists, thésards, …
La physiologie
C’est un des éléments clés. La physiologie permet de connaître les capacités de l’athlète grâce à la VO2max, les deux seuils, la PMA, etc.
Plus la VO2max est importante, plus l’athlète aurait des capacités dans les sports d’endurance (Hill et coll, 1923). Mais à l’heure d’aujourd’hui, avoir une grosse VO2max ne fait plus tout … Les deux seuils ne sont pas à négliger. Plus les seuils sont à des hauts pourcentages d’utilisation de la VO2max, plus le cycliste aura une marge de manoeuvre et pourra tenir une intensité élevée (Bosquet et coll., 2002). Grâce aux testings physiologiques, il est possible de calculer l’utilisation des glucides et des lipides sur différentes intensités. On sait que les lipides sont en quantités presque illimités, à contrario des glucides.
Image issue du Twitter de Aitor Viribay (Nutritionniste & sport-scientist chez INEOS-Grenadier). Les deux courbes représentent l’utilisation des deux substrats énergétiques pour un coureur pro d’Astana pesant moins de 55kg.
Jusqu’à 310W (5,6W/kg si on prend un poids de 55kg), le coureur utilise principalement des lipides ! Ainsi, il économise très bien ses glucides, et à une très belle marge de manœuvre pour accélérer.
L’entraînement
Les testings physiologiques se démocratisent de plus en plus, et grâce à eux, ils nous permettent d’avoir tout un tas de données pour orienter et optimiser l’entraînement des cyclistes. Ainsi, en fonction des objectifs, l’orientation du travail sera différent en fonction du profil de l’athlète. Il n’existe pas encore de recette miracle ou de consensus pour dire que telle méthode est la plus efficace pour progresser. Peu importe la manière de périodiser l’entraînement et la distribution des intensités (Webinar de Rémy Deutsh https://www.youtube.com/watch?v=k39Tw2MZ4hM&t=1s), l’important est la maîtrise de la charge d’entraînement pour que l’athlète arrive au départ de son objectif avec le moins de fatigue possible.
La psychologie
Qui n’a pas déjà entendu la phrase “la tête et les jambes” ?
Il ne faut pas que pédaler pour performer ! La confiance en soi et l’anxiété sont deux éléments clés pour performer (Craft et coll., 2003).
Plus on est anxieux, moins on sera dans de bonnes dispositions pour performer : augmentation de la fréquence cardiaque, maux d’estomac, difficulté de concentration, …
La tolérance a la douleur semble être un élément déterminant dans les sports d’endurance (Pettersen et coll, 2020), selon cette étude les meilleurs auraient une capacité plus accrue à tolérer cette douleur.
La biomécanique
La position du cycliste n’est pas à négliger. A savoir, lorsqu’un cycliste roule à 50km/h 90% de la puissance produite sert à vaincre les résistances à l’avancement (Martin et coll, 1998). A partir de ce constat, il est facile de comprendre l’importance de l’aerodynamisme en contre-la-montre et sur piste. Plus le cycliste est aéro, plus il va rouler vite pour une puissance donnée.
Second point, le cycliste passe son temps sur le vélo, et être bien posé est primordial. Une mauvaise position peut entraîner de l’inconfort et dans le pire des cas des blessures. Le vélo est un sport cyclique, une cadence moyenne de 90 sur une sortie de 2h donne 10 800 tours de pédale.
En lien entre physiologie et position, le rendement. Il se calcule assez simplement : Rendement = Puissance produite / énergie dépensée. Plus le rendement est bon, plus le cycliste est économe en énergie. Une mauvaise position peut influencer ce rendement.
Une étude (Barrat et coll, 2011) a montré que la hauteur de selle influence la production de puissance : si la selle est “beaucoup” trop haute ou “beaucoup” trop basse, il est plus difficile de produire de la puissance qu’à la hauteur “optimale”.
Selon mon point de vue, la part de l’aérodynamisme est négligeable pour les courses sur route car les coureurs passent la majorité du temps en peloton. En revanche, sur le contre-la-montre, l’aérodynamisme est plus qu’important !
La nutrition
La nutrition sportive évolue elle aussi. Pendant longtemps les préconisations étaient de consommer entre 50 et 60 grammes par heure de glucides. Depuis quelques temps ces tendances sont revues à la hausse et même doublées ! Aujourd’hui les préconisations sont de l’ordre de 100 – 120 grammes de glucides par heure !
Viribay, encore lui, a publié une étude sur l’ingestion de 120 grammes de glucides par heure sur une épreuve de marathon (Viribay et coll, 2020), et les conclusions sont que les athlètes ont une fatigue réduite par rapport aux athlètes ayant ingérés de plus faibles quantités de glucides.
Bien entendu, ingérer une telle quantité de glucides nécessite une adaptation pour éviter d’avoir des maux d’estomac. L’important de la stratégie nutritionnelle prend tout son sens, avec l’utilisation de boissons d’efforts adaptées , gels et barres énergétiques.
Si vous souhaitez approfondir la thématique “Nutrition pendant l’effort”, Mathieu a sorti une formation : https://cyclismeperformance.podia.com/nutrition-performance-optimiser-sa-nutrition-pendant-l-effort
La récupération
C’est peut-être un des points les plus négligés !!! On constate très régulièrement que des athlètes s’entraînent beaucoup, voir parfois trop, et qu’ils oublient la récupération.
La charge d’entraînement est nécessaire pour provoquer des stimulus et des adaptations, mais trop de charge d’entraînement risque d’amener au sur-entraînement (Hulin et coll, 2014 & Foster, 1998 ).
Pour atteindre le pic de forme, il faut un équilibre entre augmentation de la condition physique et augmentation de la fatigue induite par les entraînements (Morton et coll, 1990 & Fitz-Clarke et coll, 1991). Cet équilibre (Mujika et coll, 2010) est en lien avec les périodes de décharge (”affûtage”, tapering) .
Technique et tactique
Ils sont les paramètres les plus difficiles à quantifier dans le monde scientifique. Mais ces paramètres influencent le résultat final. La stratégie de course employée par un coureur peut lui faire gagner ou perdre à l’arrivée.
Bien se placer, sentir la course, l’utilisation des braquets, … sont un ensemble d’éléments qu’il faut maîtriser pour ne pas perdre.
On peut prendre l’exemple des coureurs jouant le classement général sur des étapes dangereuses, ceux qui sont bien placés ne perdent pas de temps (mais ne gagnent pas le classement général pour autant), mais ceux qui sont très mal placés perdent énormément de temps et devront redoubler d’efforts pour récupérer les secondes ou minutes perdues…
La performance est donc l’imbrication de nombreux petits points. Être performant le jour de son objectif ne dépend pas que de soi, mais d’un ensemble d’éléments ! À nous (entraîneurs et coureurs) de travailler pour en maîtriser le plus possible …
Bibliographie :
Hill AV, Lupton H. Muscular exercise, lactic acid, and the supply and utilization of oxygen. QjM 62: 135-171, 1923.
Bosquet L, Léger L, Legros P. Methods to Determine Aerobic Endurance. Sports Med 32(11): 675-700, 2002
Craft LL, Magyar TM, Becker BJ, Feltz DL. The relationship between the Competitive State Anxiety Inventory-2 and sport performance: A meta-analysis. J Sport Exerc Psyc 25(1): 44-65, 2003
Martin J.C., Milliken D.L., Cobb J.E., McFadden K.L. & Coggan A.R. (1998). Validation of a mathematical model for road cycling power. Journal of Applied Biomechanics 14:245–259.
Barratt PR, Korff T, Elmer SJ, Martin JC. Effect of crank length on joint-specific power during maximal cycling. Med Sci Sports Exerc. 2011 Sep;43(9):1689-97. doi: 10.1249/MSS.0b013e3182125e96. PMID: 21311357.
Viribay A, Arribalzaga S, Mielgo-Ayuso J, Castañeda-Babarro A, Seco-Calvo J, Urdampilleta A. Effects of 120 g/h of Carbohydrates Intake during a Mountain Marathon on Exercise-Induced Muscle Damage in Elite Runners. Nutrients. 2020 May 11;12(5):1367. doi: 10.3390/nu12051367. PMID: 32403259; PMCID: PMC7284742.
Hulin BT, Gabbett TJ, Blanch P, Chapman P, Bailey D, Orchard JW. Spikes in acute workload are associated with increased injury risk in elite cricket fast bowlers. Br J Sports Med. 2014;48:708-712. Foster C. Monitoring training in athletes with reference to overtraining syndrome. Med Sci Sports Exerc. 1998;30:1164-1168.
Morton RH, Fitz-Clarke JR, Banister EW. Modeling human performance in running. J Appl Physiol. 1990;69:1171-1177. Fitz-Clarke JR, Morton RH, Banister EW. Optimizing athletic performance by influence curves. J Appl Physiol. 1991;71:1151-1158. Mujika I. Intense training: the key to optimal performance before and during the taper. Scand J Med Sci Sports. 2010;20 Suppl 2:24-31.
Pettersen SD, Aslaksen PM, Pettersen SA. Pain Processing in Elite and High-Level Athletes Compared to Non-athletes. Front Psychol. 2020 Jul 28;11:1908. doi: 10.3389/fpsyg.2020.01908. PMID: 32849117; PMCID: PMC7399202.