La place de l’entraîneur : une alternative

Dans ce billet nous interrogeons le rôle de l’entraîneur en cyclisme et proposons une alternative à la relation qu’il entretient traditionnellement avec le coureur, avec en fond cette question : « et s’il était plus efficace de donner l’initiative de l’entraînement au sportif ? »

Le rôle traditionnel de l’entraîneur

L’entraîneur moderne en cyclisme collabore la plupart du temps avec les athlètes à titre individuel. Même si le dialogue est souvent au centre de la relation avec le coureur, il n’en demeure pas moins que c’est au coach d’imposer ou de proposer la structure de l’entraînement et le détail des séances. L’entraîneur est donc prescripteur. Cela sous-entend qu’il sait ce qui est bon ou pas pour l’épanouissement, sportif, de l’individu.

Limites rencontrées

Bien sûr, cette façon de faire est logique sous certains aspects. Le coach a pour lui l’expérience et le savoir accumulé au fil de ses études, de ses recherches et de ses années de pratique. Et le coureur débutant ne peut pas connaître à priori les principes complexes de l’entraînement. En outre, être coach c’est aussi se trouver dans une position de distance censé permettre des prises de décisions plus objectives. Pourtant cette approche assez descendantes rencontre aussi ses limites.

Pour commencer, comment peut-on, en tant qu’entraîneur, connaître les besoins de l’athlète mieux que lui-même dans toutes les situations ? Evidemment, parfois c’est le cas. Mais d’autres fois, la donne est différente. Par exemple, le coach ne peut pas connaître le degré de motivation exact du sportif au moment d’entamer la séance. Et même si des outils existent pour quantifier toutes ces choses, est-il souhaitable de multiplier les mesures pour, au final, prendre une décision à la place de l’individu ? Notons par ailleurs que le sentiment de contrôle associé au plan d’entraînement peut se répercuter positivement sur la performance [1]. Et il semble évident que s’approprier davantage sa préparation peut être une source de motivation importante pour l’athlète.

Ensuite, il apparait que des méthodes différentes peuvent aboutir à des performances similaires [2,3]. Et même quand la science met en avant telle ou telle approche, il y a toujours, derrière la réponse moyenne du groupe, des réponses individuelles qui peuvent être extrêmement inégales [3]. Voici encore des arguments qui ne plaident pas pour une solution stéréotypée à l’entraînement. Et encore une fois, pourquoi ne pas laisser l’initiative au sportif lorsque la bonne réponse n’est évidente ni pour l’entraîneur, ni pour le coureur ?

Une approche différente

Dès lors, nous pouvons imaginer une approche originale dans le coaching. L’entraîneur ne délivre plus un programme d’entraînement mais accompagne le sportif pour que celui-ci élabore lui-même sa préparationLes avantages d’une telle démarche peuvent être multiples.

On l’a déjà dit, donner plus de responsabilités à l’athlète peut faire grandir son sentiment de contrôle et sa motivation.

On le sait aussi, s’adapter aux contraintes du quotidien et à la fatigue est essentiel dans l’entraînement [4]. En donnant le contrôle au coureur, celui-ci devient plus à même de faire coïncider le plan avec ses besoins.

Laisser le choix au sportif permet également de créer un programme d’entraînement extrêmement individualisé, ce qui constitue un atout majeur pour la performance [3].

Enfin, concernant l’entraîneur, le fait de prendre du recul par rapport au programme permet à la fois de porter un regard plus objectif sur la préparation et de reporter une partie de son attention sur des choses essentielles et parfois délaissées comme le suivi de la fatigue et les problématiques psychosociales du sportif [1].

Un cadre à définir

Mais rendre davantage le coureur décisionnaire n’implique pas un effacement du coach. De la même manière, cela ne signifie pas que le sportif « fait ce qu’il veut ». Sinon cela voudrait dire que l’entraîneur ne sert à rien. Or, ce n’est pas ce que je crois. Il n’empêche que l’approche décrite ici nécessite obligatoirement de revoir le positionnement du coach.

Pour commencer, dans une telle relation entraîneur-entraîné, le cadre doit être posé dès le départ et doit être très clair. Il faut donc se mettre d’accord : qui fait quoi et comment ? Personnellement je crois que l’entraîneur, dans le cadre que nous évoquons, doit poursuivre 5 missions essentielles :

  • Il doit être garant des fondamentaux de l’entraînement (distribution des intensités, progressivité, etc.). Le coureur doit les connaître et le coach doit veiller à leur respect tout au long de la préparation.
  • Il doit aussi proposer des solutions. Le sportif n’est pas censé avoir une boîte à outil aussi fournie que celle de son entraîneur. Ce dernier doit donc être capable de partager ses connaissances et ses expériences (à travers une bibliothèque de séances par exemple). Ensuite c’est au coureur de faire ses choix.
  • Il doit suivre le niveau de fatigue et de forme du sportif pour l’alerter si besoin. Pour cela, il peut s’appuyer sur des outils objectifs (fréquence cardiaque, VFC, puissance, etc.) et subjectifs (échelles subjectives, entretiens, etc.).
  • Il doit questionner l’athlète pour le faire réfléchir sur ses choix. Interroger est une très bonne manière d’aiguiller le coureur sans pour autant le déposséder de son libre arbitre. Cette position est aussi un moyen efficace de prendre de la hauteur pour l’entraîneur.
  • Il doit être capable de reprendre les choses en main s’il l’estime nécessaire. Cela peut sembler paradoxal, mais le sportif doit sentir ce filet de sécurité pour pouvoir faire ses choix en confiance (« si je me trompe vraiment mon entraîneur sera là pour m’éviter cette erreur »).

Conclusion

Bien sûr, donner plus de pouvoir au sportif n’est pas peut être pas souhaitable dans toutes les circonstances. Par exemple, peut-on fonctionner ainsi avec un coureur totalement débutant ou très jeune ? Peut être pas. Il n’empêche qu’accompagner l’athlète vers plus d’autonomie et de responsabilité peut être un objectif estimable et qui peut s’avérer efficace dans le processus de performance. Par ailleurs, Il ne s’agit pas ici d’inventer une nouvelle méthode, mais plutôt de questionner la relation entraîneur-entraîné pour offrir d’autres possibilités et permettre ainsi une individualisation plus poussée de l’entraînement.

Bibliographie

[1] Kiely J. Periodization Theory: Confronting an Inconvenient Truth. Sports Med. 2018 Apr;48(4):753-764. doi: 10.1007/s40279-017-0823-y.

[2] McGawley K, Juudas E, Kazior Z, Ström K, Blomstrand E, Hansson O, Holmberg HC. No Additional Benefits of Block- Over Evenly-Distributed High-Intensity Interval Training within a Polarized Microcycle. Front Physiol. 2017 Jun 13;8:413. doi: 10.3389/fphys.2017.00413.

[3] Kiely J. Periodization paradigms in the 21st century: evidence-led or tradition-driven? Int J Sports Physiol Perform. 2012 Sep;7(3):242-50. doi: 10.1123/ijspp.7.3.242.

[4] Manresa-Rocamora A, Sarabia JM, Javaloyes A, Flatt AA, Moya-Ramón M. Heart Rate Variability-Guided Training for Enhancing Cardiac-Vagal Modulation, Aerobic Fitness, and Endurance Performance: A Methodological Systematic Review with Meta-Analysis. Int J Environ Res Public Health. 2021 Sep 29;18(19):10299. doi: 10.3390/ijerph181910299.

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