Que se passe-t-il quand on commence l’exercice ? : Les phases de la cinétique de VO2

Quand on commence l’exercice (n’importe quel sport), la réponse de l’organisme pour parvenir à un état « stable » de consommation d’oxygène aura une certaine inertie. La réponse de la filière oxydative à la demande n’est pas immédiate et un certain délai sera nécessaire. On évalue ce délai avec la cinétique de VO2. Autrement dit il s’agit du temps de réponse que met l’organisme pour atteindre son niveau de VO2 « stable » en rapport à la demande (vitesse/puissance imposée).

Cette cinétique se découpe en plusieurs phases. Et celle-ci est différente selon l’intensité. C’est d’ailleurs un point central de la définition des zones d’entrainement.

Domaines d’intensités

Pour expliquer les phases de la cinétique de VO2, il est donc nécessaire de décrire les différents domaines d’intensité d’exercice et les « seuils » physiologiques qui les séparent.

Le domaine d’intensité modérée

Au cours d’un exercice prolongé à une vitesse ou puissance inférieure au premier seuil, la lactatémie est maintenu à une valeur très proche de la valeur de repos et la consommation d’oxygène augmente rapidement après le début de l’exercice pour atteindre un état d’équilibre en 2 à 3 minutes environ (voir figure 2). Ce domaine d’intensité a été qualifié de « modéré ». La frontière haute est déterminée par le premier seuil.

Figure 1. La cinétique de VO2 dans le domaine d’intensité modérée

Le domaine d’intensité élevée

Dans le cas d’une vitesse ou puissance constante au-dessus du seuil 1 mais toujours en dessous du deuxième seuil, la lactatatémie montera au-dessus de la valeur de repos et ne se stabilisera qu’après environ 10 à 20 minutes. La consommation d’oxygène suit une évolution temporelle globalement similaire (figure 2). Par rapport à l’exercice en dessous du seuil 1, la consommation d’oxygène augmente relativement lentement et l’atteinte d’un état d’équilibre est retardée. De plus, la valeur finale de l’état d’équilibre est plus élevée que ce qui aurait pu être prédit, ce qui suggère que l’efficacité de l’exercice a été altérée. Le domaine d’intensité situé entre le seuil 1 et 2 est appelé domaine « élevée ». La frontière haute est déterminée par le second seuil.

Figure 2. La cinétique de VO2 dans le domaine d’intensité élevé

Le domaine d’intensité sévère

Dans le cas d’une vitesse ou puissance constante au-dessus du seuil 2, la lactatémie augmente brutalement après le début de l’exercice et continue d’augmenter jusqu’à ce que l’individu s’épuise et doive ralentir ou s’arrêter. Par définition, la lactatémie ne peut jamais se stabiliser pendant un exercice effectué au-dessus du seuil 2, et plus la puissance est élevée au-dessus du seuil 2, plus la lactatémie augmentera rapidement. Encore une fois, le pattern de réponse de la consommation d’oxygène est très similaire à celui de la lactatémie. La consommation d’oxygène augmente initialement vers l’état d’équilibre prévu, mais continue ensuite d’augmenter avec le temps, ne montrant aucun signe de stabilisation, jusqu’à ce que l’exercice soit arrêté (figure 3). Ce domaine d’intensité a été qualifié de « sévère ».

Figure 3. La cinétique de VO2 dans le domaine d’intensité sévère

Les phases de cinétique

Les réserves d’énergie musculaire non oxydative sont très limitées (ATP, PCr). Ainsi, lors de la transition du repos à l’exercice, il doit y avoir une réponse coordonnée des systèmes pulmonaire, cardiovasculaire et musculaire pour augmenter rapidement le flux d’O2 de l’atmosphère vers les mitochondries musculaires permettant la production d’ATP par la filière oxydative. Cette réponse est décrite par les phases de la cinétique de VO2. On en caractérise 3 (figure 4).

Figure 4. Les phases de la cinétique de VO2

Phase 1 : phase cardiodynamique

La rapidité de la réponse cardiodynamique, phase I de la cinétique de VO2, est attribuée à l’augmentation quasi instantanée du débit cardiaque qui est initiée par la diminution du tonus vagal et l’action de pompage mécanique des muscles en contraction (Poole, David C, and Andrew M Jones., 2012). La fréquence cardiaque et le volume courant (le volume d’air mobilisé en une respiration) augmentent eux aussi quasi instantanément.

Cette phase dure environ 20 secondes, le temps de transit du sang veineux vers les poumons.

Phase 2 : phase primaire

Une fois le sang oxygéné, c’est la phase primaire qui dure environ 2 minutes. Sa vitesse dépend des capacités de transport et d’utilisation de l’O2 au niveau musculaire (Poole, David C, and Andrew M Jones., 2012).

Phase 3 : État stable ou composante lente

Après les deux premières phases, la consommation d’oxygène atteindra un état stable si l’intensité est sous le domaine d’intensité élevée, ou elle dérivera vers le VO2max.

L’augmentation continue de la consommation d’oxygène au fil du temps à la fois dans le domaine d’intensité d’exercice élevée (où la consommation d’oxygène finira par se stabiliser) et dans le domaine d’intensité sévère (où elle ne se stabilisera pas) est connue sous le nom de “composante lente”.

La composante lente de VO2 est particulièrement intéressante pour les physiologistes de l’exercice car elle indique que l’efficacité avec laquelle le corps utilise l’oxygène pour produire de l’énergie se perd progressivement alors que l’exercice se poursuit exactement à la même vitesse ou puissance.

Ainsi, tant qu’on est au dessus du seuil 2 (limite supérieure du domaine d’intensité élevée), on atteindra VO2max. C’est une question de temps. Le VO2 va augmenter très lentement, en permanence, jusqu’à l’arrêt de l’exercice.

Une fois le VO2max atteint, la seule façon de poursuivre l’exercice est que l’énergie supplémentaire nécessaire soit fournie par des mécanismes non oxydatifs. Ces mécanismes ont une capacité limitée et, par conséquent, une fois que la composante lente de VO2 amène la consommation d’oxygène jusqu’au VO2max, l’exercice ne peut être maintenu que pendant une très courte période.

Pourquoi la composante lente de VO2 ?

Le mécanisme physiologique responsable de la perte d’efficacité musculaire, qui se traduit par le phénomène de composante lente de VO2, est encore discuté. Cependant, une théorie est que la composante lente est liée au recrutement progressif de fibres musculaires à contraction rapide (type II) lors d’exercices fatigants de haute intensité.

Au début de l’exercice, le système nerveux central peut activer un certain nombre d’unités motrices (groupes de fibres musculaires), qu’il estime suffisantes pour maintenir la vitesse ou puissance souhaitée. Cependant, à mesure que l’exercice de haute intensité se poursuit et que les fibres musculaires initialement recrutées commencent à se fatiguer (déplétion du glycogène intramusculaire, accumulation de métabolites etc…), le système nerveux central active des unités motrices “fraîches” supplémentaires pour s’assurer que la vitesse ou puissance souhaitée peut être maintenue.

Les unités motrices qui sont recrutées plus tard au cours de l’exercice auront tendance à être plus grosses et à contenir plus de fibres musculaires à contraction rapide, qui bien que puissantes, ont une efficacité relativement faible. Cela signifie qu’elles doivent consommer plus d’oxygène pour produire la même quantité de force que les fibres à contraction lente. C’est probablement pourquoi l’amplitude de la composante lente de VO2 est plus grande chez les sujets avec une grande proportion de fibres de type II (Pringle, Jamie S M et al., 2003; Barstow, T J et al., 1996). Il a d’ailleurs été montré que les sprinteurs ont une amplitude de la composante lente plus grande que les coureurs de fond (Berger and Jones., 2007).

Ainsi, lors d’un exercice de haute intensité, comme de plus en plus de fibres à contraction rapide sont recrutées pour permettre de maintenir la même puissance, le taux de consommation d’oxygène doit augmenter. Dans le même temps, les fibres musculaires qui se sont fatiguées plus tôt pendant l’exercice continuent de consommer de l’oxygène même si elles produisent moins de force, ce qui réduit l’efficacité et contribue également à la composante lente de VO2.

L’exercice au dessus du domaine d’intensité élevée est aussi parfois accompagné par un phénomène d’hyperventilation afin de maintenir l’efficacité des échanges gazeux à travers la paroi alvéolaire. Le coût en O2 de l’élévation du débit ventilatoire peut donc également être un mécanisme de la composante lente de VO2 (Aaron, E A et al., 1992; Candau, R et al., 1998)

La composante lente de VO2 et les performances

La composante lente de VO2 est liée au processus de fatigue. Pour cette raison, plus la vitesse qui peut être maintenue en l’absence de composante lente de VO2 est élevée, meilleures sont les performances.

Comme vous l’avez peut-être déjà supposé, le meilleur moyen pour réduire ou éliminer la composante lente de la VO2 pour une vitesse d’exercice donnée est d’améliorer ses seuils. Cela déplacera les différents domaines d’intensité d’exercice vers des vitesses ou puissance plus élevées (Carter, H et al., 2000). De cette façon, une vitesse qui était initialement « sévère » peut devenir « élevée » ou même « modérée » après l’entraînement.

Il a été démontré à plusieurs reprises que l’entrainement pouvait réduire la composante lente de la VO2 (voir figure 5)(Carter, H et al., 2000). C’est notamment l’augmentation du nombre de mitochondries (les « centrales électriques » qui utilisent l’oxygène pour produire de l’énergie) dans les cellules musculaires qui retardera ou réduira l’activation des fibres musculaires à contraction rapide (type II) pendant l’exercice. On ne sait pas encore s’il existe un type d’entraînement spécifique le plus efficace pour réduire la composante lente de VO2, mais un entraînement régulier dans chacun des trois domaines (modéré, élevée et sévère) devrait s’avérer efficace (Berger, Nicolas J A et al., 2006). En se concentrant tout particulièrement à ce que les seuils 1 et 2 progressent.

Figure 5. La composante lente s’est réduite après protocole d’entrainement signe d’un seuil 2 amélioré (Carter, H et al., 2000).

Un autre moyen, plus aigu, pour réduire la composante lente de VO2 et d’améliorer ainsi les performances consiste à effectuer un échauffement complet avant une compétition ou des séances d’entraînement intensif. Les preuves suggèrent que l’échauffement devrait inclure plusieurs minutes d’exercices d’intensité assez élevée, ce qui semble augmenter la distribution du flux sanguin dans les muscles actifs, pré-activer les voies métaboliques et modifier favorablement le schéma d’activation des unités motrices (Jones, Andrew M et al., 2003). En conséquence, le processus de fatigue est ralenti, le recrutement des fibres musculaires à contraction rapide est retardé et la composante lente de la VO2 peut être minimisée.

L’excès de consommation d’oxygène après l’exercice.

Cette cinétique est également observable lors de la phase de décélération : le VO2 va mettre un certain temps à s’ajuster au régime de récupération.

Un “déficit” en oxygène est nécessairement contracté au début de l’exercice intense. La filière oxydative a une inertie qui ne permet pas de couvrir l’ensemble des dépenses énergétiques. La demande en énergie doit donc être satisfaite par d’autres sources, telles que les réserves musculaires de PCr et d’ATP ou la filière glycolytique, la dégradation du glucose en lactate. Plus le déficit en O2 est grand, plus la filière glycolytique sera sollicitée.

Figure 6. Le déficit et la dette d’oxygène.

Après l’exercice, le VO2 va aussi mettre un certain temps à s’ajuster au régime de récupération. La “dette” en O2 doit être remboursée (figure 6). C’est ce qu’on appelle dans la littérature scientifique “EPOC” pour “excess post exercise O2 consumption”, autrement dit, l’excès de consommation d’oxygène après l’exercice. 

On détermine le déficit en O2 comme la différence entre la demande en O2 et le VO2 mesurée. L’intégrale de la cinétique de VO2 post-exercice permet de caractériser EPOC. Plus le déficit en O2 est grand, plus le EPOC sera important.

On peut analyser le EPOC de la même manière que la cinétique de VO2 pendant l’exercice. Les cinétiques pendant et après l’exercice se ressemblent étroitement. De même que pendant l’exercice, le EPOC peut être décrit en phases (composante rapide et composante lente) et ces phases sont dépendantes du domaine d’intensité (Poole, David C, and Andrew M Jones., 2012).

La cinétique de VO2 après l’exercice reflète plusieurs processus physiologiques qui permettent de rétablir l’homéostasie, c’est à dire le retour à l’état de repos. L’excès de consommation d’oxygène après l’exercice permet de restaurer les réserves d’oxygènes dans le sang veineux et les muscles et permet aussi de combler les coûts énergétiques associés aux dérèglements hormonaux, thermiques et métaboliques causés par l’exercice (Gaesser, G A, and G A Brooks., 1984).

Les athlètes d’endurance très entrainés possèdent une densité mitochondriale et une proportion en fibre de type I supérieure aux autres sportifs, en conséquence leur filière oxydative est plus dominante et ils accumulent un plus petit déficit en O2. Ainsi, comme pour pendant l’exercice, la cinétique de VO2 en récupération est dépendante du niveau d’entrainement (Poole, David C, and Andrew M Jones., 2012). Les athlètes de haut niveau auront une cinétique de VO2 plus rapide après l’exercice, soulignant leur excellente qualité de récupération. La quantité d’EPOC est donc un facteur de performance à considérer pour les sports d’endurances et intermittents.

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