Comment progresser au seuil 2 ? (étude de cas)

Alexis Cleaz (un abonné fidèle de cyclisme performance) présente son expérience personnelle de planification d’entraînement visant à améliorer le 2ème seuil physiologique.

I) Les intervalles de Lactate Shuttling optimisés pour améliorer son 2eme seuil et sa capacité à réutiliser le lactate.

J’ai réalisé ce protocole d’entraînement au début de cette année 2023 ou le but était de savoir si l’on pouvait optimiser les entraînements pour améliorer ses capacités au seuil que ce soit pour augmenter ses valeurs au niveau du 2eme seuil ou pour tenir ses valeurs plus longtemps. Mon seuil et ma capacité oxydative ont toujours été un point faible pour moi par rapport à mes capacités lactiques. Pour donner un exemple, ayant une PMA de 430 watts sur 5 min soit 6,82 w/kg et un CP20 a 340w soit 5,39 w/kg. N’exploitant que 79 % de ma PMA sur un seuil 20 alors qu’avec des seuils 1 et 2 beaucoup plus performant on peut atteindre 85 à 87 % soit entre 360 et 375w de CP20 pour une PMA de 430 watts.

J’ai donc établi une planification avec des entraînements au seuil diffèrent de ceux que j’avais l’habitude de faire comme par exemple des intervalles stables autour de 100-105 % du seuil 2 avec un ratio 2 :1 temps de travail : temps de récup a i2.

À la suite d’un gros bloc d’entraînement d’endurance hivernal, j’ai décidé de placer un cycle de 4 semaines de 5 entraînements selon mes disponibilités et une moyenne d’entraînements de 10 heures ou je faisais des entraînements d’amélioration de ma durabilité à I2, 1 entraînement SST avec des variations de force/vélocité, un ou deux entraînements d’intervalles lactate shuttling spécifique et 1 entraînement de récupération/ assimilation ou un entraînement à jeun. Ces semaines étaient progressives au niveau de la charge et la répartition des séances dans la semaine guidée par HRV.

J’ai pu ensuite faire une semaine de décharge pour assimiler cette charge avec des entraînements nouveaux pour moi. À la fin de cette semaine de récupération, j’ai pu me tester sur une course de côte de 8 km.

J’ai ensuite repris l’entraînement avec une planification de 4 semaines avec une augmentation progressive de la charge d’entraînement et une répartition des séances différentes. Cette fois-ci, je remplaçais mes séances d’intervalles de lactate shuttling par des séances de seuil type Over/Under toujours guidée par HRV.

J’ai volontairement choisi de ne pas mettre d’intervalles VO2max car les intervalles Over/Under qui alterne toujours entre 90 et 115 % du 2eme seuil sont relativement longs autour de 20 min et la composante lente de VO2 entre en jeu ce qui permet d’approcher les 95 % de FC max à la fin des intervalles.

À la fin de ces 3 semaines, j’ai réalisé une semaine d’assimilation avec une diminution de la charge d’entraînement et une deuxième course de côte de 10 km avec 1000 m de dénivelé.

J’ai réalisé un premier test de lactate pour évaluer mon profil type, mes points forts et mes points faibles. Je voulais réaliser ce test en étant déjà assez en forme pour évaluer réellement l’impact de mes futurs entrainements.

1er test de lactatémie après un bloc d’endurance hivernale : Palier de 10’ avec une augmentation de 25 watts à chaque palier. Départ du 1er palier à 150w avec prise de lactate à la fin du palier au bout de 10’ puis redescente jusqu’en bas pour recommencer un nouveau palier.

Résultats :

Grâce à l’estimation d’Exphylab, j’ai pu associer mon 1er seuil à 225w et mon 2ème seuil a 306w. Ce test général me permet d’y voir un peu plus clair sur mon profil type de coureur et de voir que ma capacité oxydative est beaucoup moins performante que ma capacité anaérobie lactique notamment.

J’ai décidé de faire un deuxième test pour mieux estimer mon 2ème seuil et surtout de mesurer la clairance du lactate au S1 qui est le niveau ou la clairance est le plus élevée mais aussi le taux d’accumulation du lactate a une intensité légèrement supérieure à ce 2ème seuil.

2ème Test : Palier de 10’ avec un départ à -10w du S2 estimé précédemment puis un deuxième palier à S2 estimé puis un troisième à +10 S2 avec prise de lactate au bout de 10’ d’effort. Pour mesurer le taux de clairance du 1er seuil, j’ai enchaîné directement sans temps de repos (sauf en prenant ma mesure de lactate) un dernier palier à S1 en mesurant la lactatémie au bout de 5 minutes pour être sûr que le lactate n’atteigne pas le taux de S1, stagne et fausse la valeur.

Pour mesurer le taux d’accumulation au-dessus du 2ème seuil, j’ai décidé de prendre 2 prises de lactate au niveau du palier S2 + 10w (une avant le début du palier et une au bout de 10’) pour mesurer le taux d’accumulation de lactate en mmol/l/min au-dessus de S2.

Ces résultats m’ont permis de trouver le taux d’accumulation de lactate a environ 103 % de S2 soit 315 w :

5,9 – 1,9 = 4 mmol/l d’accumulation en 10 minutes à 315w soit une accumulation de 0,4 mmol/l/min.

Le taux de clairance maximum a S1 : 5,9 – 2,9 = 3 mmol/l soit une clairance du lactate de 0,6 mmol/l/min a S1.

Ce qui est intéressant de comparer, c’est également les records de puissance à cette période qui sont de 325w sur 20’ pour 64 kg soit 5,07 w/kg et que lors d’une séance seuil de palier de 10’ a 103- 105 % de S2 jusqu’à épuisement, j’étais capable de tenir 35’ maximum.

Grâce à ces résultats, j’ai pu mettre en place un protocole de 4 semaines sur moi-même ou j’intégrai des séances de lactate shuttling, de SST et bien sûr d’endurance pour voir les bénéfices de telle séance. En 4 semaines j’ai pu réaliser 6 séances de lactate shuttling avec le format suivant :

Le but était de réaliser des séances pour améliorer le seuil en réalisant des intervalles à des hauts taux de lactate :

2 séries : 3’ 120% S2 + 10 x (1’ S1/1’30” a 315w) r = 15-20′ entre les deux séries.

Comme on peut le voir, les 3 premières minutes vont permettre d’augmenter rapidement le taux de lactate jusqu’à des valeurs très hautes que l’on atteint généralement au bout de nombreuses minutes lors d’intervalles justes au-dessus du seuil.

Ensuite, on enchaîne directement avec des intervalles plus courts entre S1 et des intervalles légèrement supérieurs à S2 ; ce que l’on remarque, c’est que 1 minute à S1 permet d’avoir une clairance du lactate de 0,6 mmol/l comme vu ci-dessus, et 1’30” à 315w permet d’avoir une accumulation du lactate de 0,6 mmol/l.

Donc on peut en déduire que le taux de lactate des 20 dernières minutes reste dans des valeurs proches et théoriquement stables pour accumuler du temps à des hautes valeurs de lactate à la suite des 3 minutes a 120 % de S2.

On voit également que la FC max atteint à la fin de l’exercice est de 181bpm pour une FC max de 195 soit 92% de FC max ce qui justifie l’intensité car l’intervalle est quand même supérieur à 25 minutes.

À la suite de ce protocole de 4 semaines et une semaine de repos, j’ai pu effectuer de nouveau test en course notamment et des nouveaux protocoles de lactate selon le même modèle que vu précédemment :

Test Cp en course : 350w sur 23 minutes pour 63 kg soit 5,55 w/kg et une séance de seuil de palier de 10’ à 103 % de S2 jusqu’à épuisement de 36’.

En conclusion, ce premier bloc de lactate shuttling m’a permis de considérablement décaler ma courbe de lactate vers la droite et de développer des puissances plus élevées à des taux de lactate plus faibles. On voit également que les puissances de 20’ ont augmenté significativement et que mon S2 a augmenté de presque 15w et mon S1 de 15w également alors que j’étais déjà bien entraîné.

Au contraire, le temps de soutien à 100-103 % de S2 n’a pas augmenté ce qui prouve que les séances de lactate shuttling permettent bien d’augmenter la puissance.

Interprétation de la courbe de lactate :

On voit très significativement que ma courbe de lactatémie s’est décalée vers la droite et que mes valeurs de puissance sur des durées de 20 minutes ont considérablement augmenté jusqu’à atteindre de nouveaux records.

Mais, pour l’instant on peut uniquement certifier que la concentration de lactate est plus faible pour une même intensité (Puissance) et que mon poids corporel de 63 kilogrammes n’a quasiment pas varié donc il est négligeable pour cette interprétation.

Ce déplacement des valeurs de lactatémie est dû à l’augmentation des performances aérobies mais pas que. Il y a d’autres facteurs qui peuvent influencer ce mouvement comme :

  • Une diminution des capacités anaérobies et donc une diminution de la production de lactate
  • Une augmentation de l’économie de pédalage
  • Une diminution de la graisse corporelle ce qui se traduit par une augmentation de l’espace de dilution du lactate.

Concernant l’économie de pédalage, faisant du vélo depuis plus de 10 ans et n’ayant pas beaucoup travailler ni analyser mon coup de pédale, je considère que l’économie de pédalage n’est pas à prendre en considération dans les résultats.

Pour la composition corporelle, il est important de mesurer/estimer la graisse corporelle pour y définir l’eau corporelle et donc la surface de dilution du lactate étant donné que le lactate se dilue uniquement dans les parties du corps avec de l’eau (comme le sang ou l’on prend nos mesures de lactate).

Ma composition corporelle n’ayant pas beaucoup bougé (< 1%) entre les deux tests, la composition corporelle n’a pas influencé les valeurs de lactate.

La capacité anaérobie peut aussi influencer les données de lactate car si celle-ci est moins “forte”, la production de lactate par la glycolyse diminuera.

La saison dernière, j’ai pu réaliser un test de PMA lors de mon pic de forme au mois de juillet 2022 à 430w pour 63 kg également soit 6,82 w/kg. A la fin de ce bloc de lactate Shuttling, j’ai pu enregistrer des records sur des durées de plus de 20 minutes mais après une semaine de repos j’ai enregistré une PMA à “seulement” 412w pour 63 kg soit 6,53 w/kg. Mes objectifs à la fin de ce plan d’entrainement étaient des courses de côtes de 40’ environ ce qui implique d’avoir des capacités aérobies très élevées par rapport à mes capacités anaérobies. Cela est validé par le fait que mes seuils 1 et 2 n’ont jamais été aussi hauts et par mes records sur des puissances allant de 20 à 40’. De plus, ma PMA qui était jusqu’à maintenant mon point fort a diminué de 15 w.

On peut donc dire que la courbe de lactate du 2ème test s’est décalée vers la droite grâce a une capacité aérobie plus élevée et une diminution des capacités glycolytiques engendrant une diminution de la production de lactate.

Pour être encore plus efficace, j’ai réalisé à la suite de cette course, un bloc d’over Under pour préparer une course plus longue dans le but d’augmenter mon temps de soutien à ce seuil 2. J’ai repris la même configuration de semaine type mais j’ai remplacé les séances de lactate Shuttling par des intervalles Over/Under en alternant des phases entre 90 % et 115 % de S2. Voici un exemple type de séance d’Over/under : 2 x 20’ (3’ 95% S2/1’ 115% S2) r = 20-30′ entre les deux séries.

Ces entrainements m’ont permis en plus d’augmenter mon temps de soutien et ma capacité à réutiliser de lactate, de stimuler ma VO2max car on peut voir sur la courbe de fréquence cardiaque ci-dessus, une dérive qui permet à la FC d’augmenter à des valeurs supérieures à 93 % de la FC max. À la fin de ce deuxième bloc, j’ai réalisé une deuxième course de côte pour évaluer mon temps de soutien :

Résultats : Presque 330w de moyenne sur 40’ en plus d’une course très tactique et pas mal de variation de puissance ce qui montre une amélioration du temps de soutien au seuil 2 et à des intensités supérieures par rapport aux séances tests ou le temps de soutien était de 36’ a 330w découpé en bloc de 10’ minutes.


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5 réflexions sur “Comment progresser au seuil 2 ? (étude de cas)”

  1. Salut Mathieu,
    2 remarques sur cette étude de cas.
    La 1iere, simplement d’un point de vu visuelle le seuil 2 semble surestimé, non ?
    la seconde les % du seuil 2 utilisé dans son 2nd bloc de fractionnés me semble vraiment au dessus de tes conseils dans ta formation amélioration du seuil 2, du coup ne serais t-il pas plus sur un travail de VO2 max ?
    En tout cas il a progressé et surement le plus important.

    1. Mathieu Lambert

      Salut Julien,
      Oui effectivement, visuellement ça donne cette impression vu qu’il n’a fait qu’un palier au dessus de son S2.

      C’est en effet la fourchette haute, il faut être en forme pour bien assimiler ces séances. De plus Alexis à fait au final plusieurs mois ciblés autour de son seuil 2 ce qui lui permet de faire ce type de séance.
      Je pense pas pour autant qu’on puisse dire que ce soit du travail VO2max. Évidement ce genre d’exo sollicite des valeurs proche de VO2max mais ce ne sera pas la qualité première développée.

      Mathieu

  2. Bonjour Mathieu,
    Je n’ai pas bien compris quelle était la modalité de la séance de seuil jusqu’à épuisement. Il est écrit des paliers de 10’ (pas de récupération ?) autour de 103-105% de S2 tenus 35’. Peux tu préciser?
    Concernant la mesure de l’accumulation du lactate à S2 +10w, il prend une mesure avant ce palier et la mesure est bien de 1,9?
    Cela me paraît surprenant car il a pris une mesure à la fin du palier à S2. Cela me paraît faible sauf à ce qu’il ait eu beaucoup de « recup » entre les deux paliers S2 et S2+10w, non?
    En tout cas merci pour ce partage.

    1. Mathieu Lambert

      Bonjour Laurent,

      Je ne sais pas exactement pour les paliers de 10min, je vais demander à Alexis.

      Oui il y a eu pas mal de récupération puisqu’il a redescendu son segment de 10min. Donc en comptant la pause pour mesurer le lactate et la descente, je pense qu’il y a environ 10m min entre les paliers. Je demanderais à Alexis.

      Mathieu

    2. Mathieu Lambert

      Pour ta première question, Alexis faisait des intervalles de 10′ environ 103 % du 2ème seuil avec une récupération de 5min entre.

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