Faut-il travailler la force à vélo ?

Travailler la force sur le vélo pour progresser ? Faire de la force endurance ou maximale ? Tous les cyclistes se sont posé ces questions au moins une fois ! Pour autant, y répondre n’est pas évident. Mais c’est ce que nous allons essayer de faire à travers cet article.

Introduction

Adopter la bonne cadence à l’effort pour être efficace, c’est quelque chose que l’on connaît maintenant assez bien. Pour résumer, plus le cycliste met de l’intensité, plus il doit élever sa cadence pour rester efficace. Et plus il y a de pente, plus la cadence optimale baisse [1, 2, 3]. Mais qu’en est-il de la cadence à adopter à l’entraînement pour progresser ? Doit-on travailler toujours à ces cadences optimales ? Ou est-ce que s’entraîner parfois à des cadences plus basses ou plus élevées peut permettre au cycliste de progresser ? Les réponses à ces questions ne sont pas évidentes et les avis divergent chez les spécialistes. Alors pour éclaircir tout cela, nous avons décidé de regarder du côté de la littérature scientifique.

La force maximale et les hautes intensités à faible cadence

Pour commencer, nous allons nous attarder sur les efforts courts, de 30sec ou moins, avec des braquets importants.

La première étude [4] que nous avons explorée compare, chez des cyclistes amateurs, les effets d’un entraînement en salle (demi squat et presse, 15-8rep, 3 séries) et d’un entraînement en force sur un ergomètre isocinétique (puissance maximale à 80rpm sur 12 coups de pédale, 4 à 8 séries). Le protocole s’étend sur 12 semaines, à raison de 2 séances de force hebdomadaires. Au final les 2 groupes ont amélioré significativement et dans des proportions similaires leurs performances sur un contre la montre de 30min et sur un test incrémental. Les 2 groupe ont également vu leur puissance maximale progresser mais seul le groupe qui travaillait en salle a amélioré significativement ses performances au sprint à 120rpm. Nous pouvons donc penser que l’entraînement sur ergocycle à faible cadence a pu dégrader l’efficacité du geste à très haute vélocité. Néanmoins, les 2 programmes ont montré une efficacité relativement similaire, ce qui nous fait dire que l’entraînement en force maximale (ou proche de la force maximale), en salle ou sur le vélo, peut être intéressant pour améliorer les performances d’endurance et de sprint en cyclisme.

La deuxième étude [5] que nous avons sondée compare, elle, un entraînement avec des sprints de 30sec exécutés soit en force (60-70rpm) soit en vélocité (110-120rpm). Concrètement la séance réalisée était la suivante : 3 x [20 sauts sur une box de 40cm + 5 fois (30sec sprint + 30sec récupération) + 2min récupération]. Cet entraînement était programmé 2 fois par semaine pendant 4 semaines. Les conclusions des auteurs étaient alors que les sprints en force ont permis une amélioration plus importante des performances et que ces améliorations étaient en partie corrélées avec une concentration salivaire en testostérone plus élevée mesurée après les séances en force.

Au regard de ces 2 études, il est donc permis de penser que l’entraînement en force sur le vélo, à des très hautes intensités, peut induire une amélioration des performances au sprint mais aussi en endurance.

La force endurance

Communément, le travail de force endurance sur le vélo consiste à réaliser des efforts sous-maximaux,  sur des durées relativement longues (2-20min), avec un braquet important et une faible cadence (40-60rpm).   

En 2017, Hansen et Ronnestad ont publié une revue de littérature pour essayer de conclure sur l’efficacité de cet entraînement qui est tant débattu [6]. Sans surprise, le résultat de ces recherches est ambigu. Certaines études rapportent que l’entraînement à basse cadence n’est pas plus efficace qu’un entraînement à haute cadence [7] ou qu’il est même moins efficace qu’un entraînement à cadence libre [8]. Mais d’autres travaux suggèrent, au contraire, que l’entraînement en force permet d’améliorer les performances en endurance [9, 10, 11]. On peut par exemple noter, dans une étude longitudinale de Nimmerichter et coll. [10], que la progression sur un test 20min est fortement corrélée au temps consacré au travail de force (intervalles de 2 à 20min à 40-60rpm) chez des cyclistes Elite. Remarquons également qu’il existe une relation entre l’intensité mise dans ces séances de force et la performance. Enfin, toujours dans cette étude, on constate aussi une relation entre le temps passé à la salle de musculation et la performance.

Pour aller plus loin, Hansen et Ronnestad spéculent sur le fait que le travail en force permettrait surtout d’améliorer les performances en condition de fatigue, ce qui expliquerait pourquoi certaines études ne parviennent pas à mettre en évidence les bénéfices d’un tel entraînement. En effet, adopter des cadences basses aurait pour conséquence une utilisation plus importante des fibres de type II, à une même intensité, et un épuisement plus rapide des réserves en glycogène [12]. En outre, augmenter la résistance au pédalage à haute intensité pourrait permettre d’activer plus facilement les fibres de type de type IIb qui pourraient alors être converties en fibres de type IIa, plus endurantes [13].

La vélocité

Si nous parlons d’entraînement en force, nous devons aussi parler de la vélocité. S’entraîner à des cadences élevées pourrait aussi être une option pour viser une amélioration des performances. En effet, en 2016, une étude de Ludyga et coll. [14] a montré qu’inclure des intervalles à haute cadence dans son entraînement permettait de diminuer l’activité cortical dans le lob frontal et de sauvegarder ainsi des ressources supplémentaires pour, par exemple, prolonger l’exercice.

Nos recommandations

Nous l’avons noté, les études concernant l’entraînement en force sur le vélo peuvent être contradictoires. Pour autant, il nous semble qu’introduire un travail à cadence faible peut être intéressant pour venir compléter l’entraînement à cadence libre ou optimale. Par ailleurs, le travail en force paraît plus pertinent en mettant un minimum d’intensité. Concrètement nous vous recommandons de vous situer au minimum au-dessus du seuil 1 lors de vos séries à faible cadence. Et réaliser des hautes intensités ainsi que des sprints en force semble donner de bons résultats. Au final, nous vous conseillons de travailler régulièrement à des cadences inconfortables voire extrêmes, en force ou en vélocité, même si la majorité de votre entraînement doit se faire, bien sûr, à cadence optimale.

Références

1. Abbiss, C.R.; Peiffer, J.J.; Laursen, P. Optimal cadance selection during cycling. Int. J. Sports Med. 2009, 10, 1–15.

2. Lucía A, Hoyos J, Chicharro JL. Preferred pedalling cadence in professional cycling. Med Sci Sports Exerc. 2001;33(8):1361-1366.

3. Vogt S, Roecker K, Schumacher YO, et al. Cadence-power-relationship during decisive mountain ascents at the Tour de France. Int. J. Sports Med. 2008; 29(3):244-250.

4. Koninckx E, Van Leemputte M, Hespel P. Effect of isokinetic cycling versus weight training on maximal power output and endurance performance in cycling. Eur. J. Appl. Physiol. 2010; 109(4):699-708.

5. Paton CD, Hopkins WG, Cook C. Effects of Low- vs. High-Cadence Interval Training on Cycling Performance. J. Strength Cond. Res. 2009; 23(6):1758-1763.

6. Hansen EA, Rønnestad BR. Effects of Cycling Training at Imposed Low Cadences: A Systematic Review. Int J Sports Physiol Perform. 2017;12(9):1127-1136. doi:10.1123/ijspp.2016-0574

7. Ludyga S, Gronwald T, Hottenrott K. Effects of high vs. low cadence training on cyclists’ brain cortical activity during exercise. J. Sci. Med. Sport. 2016; 19(4):342-347.

8. Kristoffersen M, Gundersen H, Leirdal S, Iversen VV. Low cadence interval training at moderate intensity does not improve cycling performance in highly trained veteran cyclists. Front. Physiol. 2014; 5:34:1-7

9. Hirano M, Shindo M, Mishima S, et al. Effects of 2 weeks of low-intensity cycle training with different pedaling rates on the work rate at lactate threshold. Eur. J. Appl. Physiol. 2015; 115(5):1005-1013.

10. Nimmerichter A, Eston RG, Bachl N, Williams C. Longitudinal monitoring of power output and heart rate profiles in elite cyclists. J. Sports Sci. 2011; 29(8):831-840.

11. Whitty AG, Murphy AJ, Coutts AJ, Watsford ML. The effect of low vs high cadence interval training on the freely chosen cadence and performance in endurance trained cyclists. Appl. Physiol. Nutr. Metab. 2016; 41(6):666-673.

12. Ahlquist LE, Bassett Jr DR, Sufit R, Nagle FJ, Thomas DP. The effect of pedaling frequency on glycogen depletion rates in type I and II quadriceps muscle fibers during submaximal cycling exercise. Eur. J. Appl. Physiol. 1992; 65(4):360-364.

13. Vikmoen O, Ellefsen S, Trøen O, et al. Strength training improves cycling performance, fractional utilization of VO2max and cycling economy in female cyclists. Scand. J. Med. Sci. Sports. 2016; 26(4):384-396.

14. Ludyga S, Hottenrott K, Gronwald T. Four weeks of high cadence training alter brain cortical activity in cyclists. J. Sports Sci. 2016; doi: 10.1080/02640414.2016.1198045.

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